-Pendre
mon petit Jeannin ! dit Méloir en souriant.
-Oh ! oh ! vous le connaissez ! Un joli enfant, n'est-ce pas ?
-Un enfant charmant !
-Eh bien ! quand vous m'aurez promis qu'il sera pendu, nous finirons
ensemble l'affaire du Maurever.
-Mais il ne sera jamais pendu, maître Gueffès.
-Assommé alors, je ne tiens pas au détail.
-Ni assommé.
-Étouffé dans les tangues.
-Ni étouffé.
-Noyé dans la mer.
-Ni noyé ! Le chevalier Méloir, à ces derniers
mots, fronça un peu le sourcil. Maître Gueffès
força sa mâchoire à sourire avec beaucoup
d'amabilité.
-Mon cher seigneur, dit-il, vous êtes le maître et
moi le serviteur. Il fait bon être de vos amis, je vois
cela. Chez nous, vous savez, en Normandie,
on marchande tant qu'on peut ; je suis de mon pays, laissez-moi
marchander. Puisque vous ne voulez pas que le jeune coquin soit
pendu, ni assommé, ni étouffé, ni noyé,
on pourrait prendre un biais. Votre cousin Aubry doit avoir grand
besoin d'un page, là-bas, dans sa prison. Ce serait une
œuvre charitable que de lui donner ce Jeannin. Cela vous
plaît-il, monseigneur ?
-Cela ne me plaît pas.
-Alors, mettons-lui une jaquette sur le corps, et faisons-le soldat.
Qui sait ? il deviendra peut-être un jour capitaine.
-Il ne veut pas être soldat !
-Ah ! fit Gueffès, c'est bien différent !
Du moment que messire Jeannin ne veut pas... Il commençait
à se fâcher, l'honnête Gueffès.
-Mon cher seigneur, reprit-il, le destin s'est amusé à
nous mettre dans une situation à peu près pareille,
vous, l'illustre chevalier, moi, le pauvre hère. Vous avez
un rival préféré qui s'appelle Aubry, moi
j'ai une épine dans le pied qui s'appelle Jeannin.