l'esprit
comme quatre, c'est mon cher seigneur qui a eu la bonté
de me le dire, la fille de Maurever en a quatre fois plus que
moi encore.
-Tu la connais ?
-Je gagne ma vie ici et là ; je vais un peu partout à
l'occasion et, au besoin, je connais un peu tout le monde.
Méloir lui prit les deux bras et le mit en face de la résine
pour le considérer plus attentivement.
-Il me semble que je t'ai déjà vu, murmura-t-il.
-Ce n'est pas impossible, répondit Gueffès, dont
la lumière trop voisine faisait clignoter les yeux gris.
-À Avranches ?
-Peut-être à Avranches.
-Sur le passage du duc François un grigou cria...
-Duc ! que Dieu t'oublie ! prononça tout bas Gueffès.
-Par le ciel ! maître Vincent, c'est toi qui était
ce grigou !
-Mon bon seigneur, je n'avais pas pu ramasser un seul carolus
dans la largesse de François de Bretagne.
-Et tu te vengeais ?
-Une pauvre espièglerie, mon bon seigneur ! Méloir
lui lâcha les deux bras et se mit à réfléchir.
-À ce jeu-là, continua tranquillement maître
Gueffès, on gagne parfois autre chose que des piécettes
blanches. Connaissez-vous le manoir du Guildo, monseigneur ?
-L'ancien fief de Gilles de Bretagne ?
-Un beau domaine, celui-là ! Et qui vous irait bien, messire
Méloir ! Mais François l'a donné à
Jean de la Haise. Ah ! ce n'est pas pour dire que messire Jean
ne l'a pas bien gagné !
Pour en revenir à mon histoire, une fois, je criai aussi
sur le passage de monsieur Gilles. C'était en la ville
de Plancoët. Monsieur Gilles faisait largesse et je n'avais
pu avoir qu'un denier breton dont il faut six pour faire un denier
royal à douze du sol tournois. Je criai : «Monsieur
Gilles a le feu Saint-Antoine sous sa belle cotte à mailles
d'or».
-Méchant drôle ! fit Méloir en riant.