Reine
tira l'escarcelle bien doucement, puis plus fort. Impossible de
faire lâcher prise à Méloir.
Reine essaya d'ouvrir l'escarcelle entre ses doigts. Impossible
encore ! Pourtant elle la voulait !
Non pas peut-être pour se procurer un peu de cet argent
si nécessaire au proscrit qui se cache ; non pas assurément
pour s'indemniser des ravages commis sur les domaines de Maurever
:
Reine n'avait pas un écu vaillant, mais elle savait où
prendre le pain qui soutenait l'existence du vieillard.
Non, pour rien de tout ce qui eût pu déterminer un
homme à s'emparer du trésor, disons plus ; non,
pas même dans le but de s'en servir.
Mais bien parce que cette escarcelle contenait, à son sens,
l'odieuse récompense qui devait payer la trahison : les
cinquante écus nantais promis à quiconque livrerait
monsieur Hue.
Elle voulait,- et c'était bien quelque chose que la volonté
de cette blonde enfant, si mignonne et si frêle !
Cette blonde enfant, si frêle et si mignonne, avait bravé
naguères pendant dix nuits les balles et les traits d'arbalètes
pour aller porter du pain à Gilles de Bretagne prisonnier.
Et Dieu sait que les archers de Jean de la Haise avaient ordre
de viser juste autour de la grille
du cachot.
Cette blonde enfant, depuis dix autres jours, traversait chaque
nuit les grèves, où tant d'hommes forts ont laissé
leurs os, pour porter encore du pain,- du pain à son père,
cette fois.
Quand elle voulait, il fallait.
Méloir grondait dans son sommeil. Il sentait confusément
l'effort de la jeune fille. Sa main se raidissait sur l'escarcelle,
bien qu'il ne fût point réveillé encore.
L'impatience prenait Reine, dont le petit pied frappa le sol avec
colère.
Puis, comme si ce n'était pas assez d'imprudence, la téméraire
enfant, par un dernier mouvement brusque et vigoureux, arracha
l'escarcelle.
-Alarme ! cria Méloir, qui s'éveilla en sursaut.
En une seconde, toute l'escorte fut sur pied.