Le
chevalier éclata de rire.
-À la bonne heure ? s'écria-t-il, voilà une
raison. Et tu n'as pas envie non plus de gagner les cinquante
écus nantais ?
-Ah ! Monseigneur ! interrompit Jeannin, oubliant tout à
coup ses craintes, si on était sûr de gagner cinquante
écus nantais en faisant la guerre, je tuerais un Anglais
par écu et un Français par-dessus le marché
!
-Diable ! diable ! fit le chevalier, qui riait toujours ; tu aimes
donc bien les écus nantais, petiot ?
Dans l'idée de Jeannin, les cinquante écus nantais,
c'était la main de la jolie Simonnette.
Aussi répondit-il sans balancer :
-Cinquante fois plus que ma vie, Monseigneur !
Le chevalier se tenait les côtes, et sa suite riait aussi
de bon coeur.
-Oh ! le drôle de garçonnet ! s'écria-t-il
; petiot ! si tu n'es pas poltron comme tu le dis, tu es du moins
avare et l'avarice ne vient guère à ton âge.
Jeannin se retourna et montra son joli visage souriant.
-Je ne suis pas avare, Monseigneur, dit-il. Le chevalier était
un bon diable, paraîtrait-il, car il s'amusait franchement
à cette naïve aventure. En continuant de causer avec
Jeannin, il lui montra qu'il savait fort bien pourquoi le jeune
homme désirait les cinquante écus nantais.
-Oh ! fit Jeannin étonné, vous avez donc écouté
à la porte du père Le Priol, vous ?
-Non, mon fils, répliqua le chevalier, mais je sais cela
et bien d'autres choses encore. Est-ce que nous sommes arrivés
?
Le chemin tournait en cet endroit et démasquait le manoir
de Saint-Jean, dont les murailles blanchissaient aux rayons de
la pleine lune.
Au moment où l'escorte dépassait la grande haie
qui bordait le chemin, un vague mouvement se fit à l'une
des fenêtres du manoir.
On eût dit qu'une ombre rentrait dans la nuit.
-Écoute ! dit le chevalier au petit Jeannin, en prenant
un ton plus sérieux, tu es bien pauvre mon mignonnet, mais
le duc François est bien riche. Moi, qui sais tout, je
sais que le traître Hue de Maurever est caché