Cette
scène, la basilique de Saint-Michel en gardera éternellement
le souvenir.
Le doigt de Dieu toucha ce front que ne pouvait atteindre le doigt
de la justice humaine.
Au moment où le duc François se levait pour jeter
l'eau sainte sur le catafalque, et comme monsieur le sénéchal
de Bretagne jetait ce cri sous la voûte sonore :
-Hommes d'armes ! à genoux ! Au moment où les six
chevaliers du deuil, baissant la pointe de l'épée,
entraient dans le choeur pour se ranger autour du cénotaphe,
un moine parut tout à coup derrière le cercueil
vide.
Personne n'aurait su dire d'où sortait ce religieux, car
toutes les stalles restaient remplies et nul mouvement ne s'était
fait à l'entour du choeur. Le moine se dressa de toute
sa hauteur, développant la bure raide de sa robe et ne
montrant qu'une main qui tenait un crucifix de bois.
-Arrière, duc ! prononça-t-il d'une voix retentissante.
Le duc François s'arrêta. Reine de Maurever trembla
sous son voile. Aubry tressaillit. Il avait reconnu cette voix.
Dans le choeur et dans la nef on se regardait. La stupéfaction
était sur tous les visages. Cependant monseigneur l'évêque
de Dol ne bougeait pas.
Procureur, prieur et religieux durent imiter son exemple. Le moine
inconnu tourna le cénotaphe et vint à la rencontre
du duc.
-Que veux-tu ? balbutia ce dernier.
-Je viens à toi de la part de ton frère mort, répondit
le moine.
Un frisson courut dans toutes les veines.
Méloir seul semblait curieux plutôt qu'effrayé.
Il s'avança jusqu'à la balustrade pour mieux voir.
Aubry l'y avait précédé.
-Qui es-tu ? prononça encore le duc François, dont
la voix défaillait.
Le moine, au lieu de répondre cette fois, jeta en arrière
le large capuchon de son froc et découvrit une tête
de vieillard, énergique et calme, couronnée de longs
cheveux blancs.