demoiselles,
trois Normandes, trois Bretonnes, chevauchaient en grand deuil.
Parmi elles nous ne citerons que Reine de Maurever, la filîe
unique du vaillant capitaine Hue, vainqueur des Anglais.
Le
visage de Reine était voilé comme celui de ses compagnes.
Mais quand la gaze funèbre se soulevait au vent qui venait
du large, on apercevait l'ovale exquis de ses joues un peu pâles
et la douce mélancolie de son sourire.
Reine
avait seize ans. Elle était belle comme les anges.
Une
fois son regard croisa celui d'un jeune gentilhomme, fièrement
campé sur un cheval du Rouennais, à la housse d'hermine,
et qui portait la bannière du deuil, aux armes voilées
de Bretagne, avec le chiffre de feu M. Gilles.
Ce
gentilhomme avait nom Aubry
de Kergariou, bonne noblesse de Basse-Bretagne, et tenait
une lance dans la compagnie du bâtard de Porhoët.
Quand
le voile de Reine retomba, Aubry donna de l'éperon et gagna
d'un temps la tête du cortège où était
sa place marquée auprès du porte-étendard
ducal.
On
arrivait à la barrière de la ville. Ceux qui étaient
superstitieux remarquèrent ceci ; Aubry ne put arrêter
sa monture assez à temps pour garder le passage libre à
son compagnon, l'homme à la cotte d'hermine. Ce fut la
bannière funèbre qui passa la première.
Sur
les remparts et dans la rue, la foule criait :
—
Bretagne-Malo ! Bretagne-Malo !
Et
quatre gentilshommes, portant à l'arçon de leurs
selles de vastes aumônières, jetaient de temps à
autre les poignées de monnaies d'argent et répondaient
:
—
Largesse du riche Duc !
On
dit que les bonnes gens de Normandie ont toujours fidèlement
aimé le numéraire. En cette occasion, ils firent
grand accueil à la munificence ducale et se battirent à
coups de poings dans le ruisseau, comme de braves cœurs qu'ils
étaient.
Tout
le monde fut content, excepté un laid païen à
la tête embéguinée