Le
Couesnon franchi, l'aspect de la côte se modifiait d'une
manière sensible. On était en Bretagne; car, au
moyen-âge, c'était le Couesnon qui formait la ligne
séparative des deux provinces. Il y avait même sur
le pont du Couesnon, à Portorson, petite cité illustrée
par la femme de Bertrand Duguesclin, Tiphaine
Raguenel, appelée la douce fée, en raison de
ses connaissances astrologiques, une borne bien curieuse et connue
fort loin à la ronde, sur laquelle les pèlerins
allant au Mont, avaient coutume de s'asseoir. Ils disaient alors,
d'une façon plaisante, qu'ils avaient le cœur en Bretagne
et le foie en Normandie,
A partir de cet endroit, la côte se relevait tout d'abord
en une falaise couverte de bouquets d'arbres, du plus charmant
effet. Cette falaise portait fièrement sur son plateau,
ou à mi-côte, les églises de Saint-Georges
de Gréhaigne, de Sens, de Saint Marcan et de Saint-Broladre;
elles étaient, presque boutes tributaires de Saint-Michel
et leurs granges de dîme entassaient, pour l'abbaye, une
part considérable d'opulentes moissons. Après Saint-Broladre,
la falaise décroissait rapidement, formant une sorte de
croupe grossièrement arrondie. On entrait dans le pays
de Dol; une très longue digue, faite d'énormes quartiers
de roche et d'épaisses mottes gazonnées, suivait
le rivage sur une longueur de cinq ou six lieues; cette digue
était destinée à briser