certes,
a nui à l'esthétique de l'abbaye-forteresse, mais
elle a eu, du moins, cet avantage de supprimer presque tous ces
mendiants qui vous harcelaient pour vous conduire à travers
les grèves. Je revois encore, par la pensée, un
de ces prétendus guides, se disant pêcheurs, qui
avait la spécialité de mener tout droit dans les
fondrières les voitures qu'ils pilotaient; les femmes criaient,
les enfants pleuraient. On s'enfonçait un peu dans la tangue;
le guide lançait des jurons; d'autres compères surgissaient;
on les suppliait de désembourber les attelages : Hardi
les gars, criait le soi-disant vieux pêcheur, ou nous sommes
perdus; la mer arrive ! Toute cette mise en scène se terminait
par un appel à la bourse, et un généreux
pourboire était empoché, sans vergogne, par le maître
guide et ses amis du cabaret.
Certains hommes de lettres ont dramatisé la fin de Jean
de Tombelaine. Un soir d'été, tandis qu'il se reposait
sur les remparts, il aurait entendu des cris de détresse.
Sur les grèves, envahies par la mer, un homme se débattait
dans le terrible courant du Couesnon; le marquis se précipite,
nage vers l'infortuné; mais la violence des eaux est. telle
que les deux hommes sont submergés. On les retrouva, le
lendemain matin, près de la tour du Moulin, étroitement
enlacés. Le marquis de Tombelaine n'avait pas desserré
son bras gauche de la ceinture du naufragé et son bras
droit était encore raidi dans le geste de la brasse vigoureuse
d'un sauveteur !