guettait
les chevaliers du Mont Saint-Michel les jeunes lapins, gravement
assis sur leurs petits derrières, broutent le doux serpolet,
tandis que de frileux lézards se chauffent au soleil parmi
les herbes sèches.
De nos jours, Tombelaine a eu un regain de popularité;
il la doit à un pauvre diable que la presse parisienne
a élevé au marquisat. La carte postale et la carte
album ont popularisé
ce vagabond qui s'installa, vers 1875, dans une cabane de l'îlot.
Tantôt, il figure sur la digue, au premier plan, fièrement
campé; tantôt, il serre dans ses bras un grand filet,
appele bichette ; quelquefois, son buste seul est pris; son torse
est vigoureux, sa grosse tête est embroussaillée
de longs cheveux. Jean de TombeIaine était très
sot; ses grands yeux bleu clair n'avaient aucune expression; il
racontait de stupides histoires et même il vous faisait
part, avec une imperturbable bêtise, de ses bonnes fortunes
avec les grandes artistes des théâtres de Paris;
il prétendait même qu'une illustre tragédienne
l'avait embrassé dans le cou, alors qu'il la portait. sur
son dos pour traverser un relai de mer au cours d'une promenade
autour du Mont Saint-Michel. Vraiment Dona Sol eut, ce jour-là,
une seconde d'aberration, trop heureuse si, après cette
promenade sentimentale, elle n'eut pas à souffrir de cuisantes
démangeaisons !
Jean de Tombelaine appartenait; tout simplement, a cette race
de guides quémandeurs qui pullulaient autour du Mont, à
la fin du siècle dernier; la digue,