dépensé
plusieurs dizaines de mille francs pour ménager, dans le
pont métallique de Beauvoir, un pan mobile de huit mètres.
Or voici la statistique officielle des navires de tout tonnage
(si l'on peut dire !) qui ont utilisé le canal du Couesnon:
1903, 0, 1904, 0, 1905, une petite barque à mature démontable;
1906, 0, 1907, 0, 1914, 0, 1920, 0, etc. O chère, si chère
petite barque de 1905, réalité charmante, entrevue
comme en un rêve, je te salue ! Tu as coûté
à l'Etat 50000 francs et, grâce à ta mâture
démontable, 3m50 de hauteur, tu as passé sous le
pont de Beauvoir, sans qu'on fut obligé de faire manœuvrer
le tablier mobile, le fameux pan des ingénieurs qui avait
nécessité tout un mécanisme et dont la clé
de sûreté était déposée à
près de trois kilomètres de là !
Je suis, il est vrai, le premier à reconnaître qu'il
se trouve des imprudents parmi les touristes
et même parmi les habitants du pays. Mais ne protège-t-on
pas tous les jours les gens contre leur propre imprudence ? L'administration
n'établit-elle pas, constamment, des parapets
pour empêcher. les personnes d'aller là où
elles n'ont que faire ? Comme on ne peut pas entourer d'une grille
ou d'une balustrade les grèves de la baie et qu'il est
impossible d'empêcher les gens de s'exposer à certains
périls, qu'on leur donne, du moins, la possibilité
de se sauver, s'ils sont en danger de mort ! La perte de la vie
me paraît être une peine excessive pour une imprudence
si grande soit-elle ? « Un tel, diriez-vous, s'est noyé;
tant pis pour lui ! » Ajoutera-t-on: « C'est bien
fait ? »