J'ai
raconté (1) la visite de Mme de Sévigné au
Mont Saint-Michel en 1661. Il était alors interdit de pénétrer
dans les lieux réguliers ; la porte du cloître fut
entrouverte seulement aux regards de la marquise. Un religieux
s'excusa d'être contraint d'appliquer une règle aussi
sévère ; il autorisa tout au plus la visiteuse à
jeter un coup d'œil indiscret sur le splendide promenoir,
ajoutant probablement, comme le faisait. d'ordinaire le frère
Charles de Courcy, que la curiosité tempérée
n'était qu'un péché véniel et qu'on
pouvait l'effacer en mangeant un morceau de pain bénit.
La belle marquise fut-elle
froissée de l'attitude des moines ? On l'ignore, en tout
cas elle n'a décerné au Mont Saint-Michel dans l'une
de ses lettres, (9 mai 1689), que la double épiphète
d'orgueilleux et de fier.
Toutefois, il est bien certain qu'elle parla de cette visite à
la Cour et à la Ville. J'en ai la preuve dans une pièce
de vers que le fameux Conrart, célèbre par son silence,
adressait à Mme de Sévigné. Chose singulière
! La muse de Conrart est plutôt bavarde; elle babille tout
au long d'une colonne de soixante-seize alexandrins. Vous les
trouverez dans le manuscrit 5418 de la Bibliothèque de
l'Arsenal, à Paris, tome IX, fol 485-486. Conrart termine
sa longue épitre par cette affreuse tirade : Celle robe
superbe, vos beaux pieds l'ont foulée ainsi qu'on foule
l'herbe,
(1) ETIENNE DUPONT: le Mont Saint-Michel Inconnu, pages 300-305.
Paris, Librairie Académique 1 vol. in_8 écu, orné
de 8 gravures.