découvert
un moyen de lever une taxe nouvelle; toujours est-il que des sauf-conduits
furent délivrés par leurs soins à ceux qui
voulaient pérégriner au Mont, bloqué par
les forces anglaises. Il en coûtait six deniers
tournois aux hommes et deux blancs bretons aux femmes.
C'est ainsi que, par une belle après-midi de mai 1423,
Jean Douville, accompagné par la petite miraculée,
joyeuse et très fière, quittait Orval pour se rendre
au Mont Saint-Michel.
Douze, lieues, au moins séparaient Orval de l'abbaye-forteresse;
quatre étapes coupèrent leur route; ils reçurent,
le premier soir, l'hospitalité du curé de Chanteloup,
ami de Jean Douville : ils couchèrent, le lendemain, dans
une hôtellerie de Saint-Pair-sur-la-Mer ; ils admirèrent
son église imposante et prièrent sur les châsses
de saint Gaud et de saint Scuhilion ; ils puisèrent de
nouvelles forces en buvant à la fontaine Sainte-Anne dont
l'eau limpide jaillit du sein des sables; le soir, ils se reposèrent
dans un manoir à Champeaux, au bord même d'une falaise
abrupte et sauvage. La baie du Mont Saint-Michel apparut alors
à leurs yeux éblouis. La mer battait son plein;
le flot paisible s'allongeait sur les sables de Dragey et de Genêts
et Tombelaine dressait sur son roc sa citadelle
carrée, à triple étage, que les Anglais venaient
de bâtir et qu'ils occupaient fortement, ainsi que plusieurs
bastilles, habilement postées sur la côte. A une
demi-lieue plus au sud, se dressait le Mont, pyramide énorme,
avec son église