Reine n'avait poussé qu'un cri.
Puis sa charmante tête blonde s'était renversée,
tandis que ses grands yeux bleus se tournaient vers le ciel.
Elle aussi priait.
Elle priait pour son père et pour Aubry avant de prier
pour elle-même.
Méloir la couvrait d'un regard de damné.
Méloir avait du sable au-dessus de la ceinture.
Une fois le vent apporta le son lointain de la cloche de Saint-Michel.
Méloir sourit.
Reine détourna la tête.
Elle jeta un regard aux rives bretonnes. Un léger renflement
du terrain lui indiqua le lieu où le manoir de Saint-Jean-des-Grèves
se cachait derrière les arbres.
C'était là que son enfance heureuse s'était
écoulée. C'était là qu'elle avait
vu Aubry pour la première fois.
-Vous pensez à lui, damoiselle ? dit Méloir qui
voulait railler, mais dont les dents grinçaient.
-Pensez à Dieu ! répliqua la jeune fille, sereine
et calme, en face de la dernière heure. On entendait le
sourd grondement du flot.
Méloir avait du sable jusqu'aux seins. Sa main de fer se
rivait sur le bras de Reine...
Il tourna la tête tout à coup à un bruit qui
se faisait. Maître Loys bondissait dans le cours du Couesnon,
où était déjà la mer.
Et Aubry était derrière maître Loys.
-Aubry ! Aubry ! à moi ! cria Reine.
Par un effort désespéré, Méloir essaya
de l'attirer à lui. Ses yeux hagards disaient quel était
son dessein horrible.
La vengeance qui lui échappait, il voulait la ressaisir,
et jeter à son rival vainqueur un cadavre pour fiancée.
-À moi, Aubry ! à moi ! répéta la
jeune fille qui résistait, mais qui se sentait entraînée
invinciblement.