Les
fugitifs ne pouvaient se soustraire désormais bien longtemps
à cette poursuite acharnée.
Il est même probable que, sans les retards occasionnés
par l'hésitation des lévriers, aux endroits de la
grève où les traces se bifurquaient tout à
coup, quelques traînards fussent tombés déjà
au pouvoir des hommes d'armes.
Voici cependant ce qui était advenu de monsieur Hue et
de sa suite.
Aubry s'était mis à la tête de la caravane
lorsqu'il avait reconnu l'absence du petit Jeannin. Aubry ne savait
guère son chemin dans les sables ; il allait droit devant
lui, ce qui est quelquefois le mieux.
Au bout d'une heure de marche, le bruit de la mer se fit entendre
si distinctement qu'il n'y eût point à douter. Ils
avaient fait fausse route. Reine souffrait de sa blessure. La
fatigue et le découragement venaient.
Et le brouillard ne diminuait point.
La troupe se trouvait engagée dans cette partie des grèves
qui est au nord-ouest du Mont, et où les mares abondent.
En retournant sur ses pas, Aubry laissa fléchir vers le
sud la ligne qu'il suivait. Ce n'était plus du sable, c'était
de la marne délayée que la troupe avait sous les
pieds.
Pour éviter les mares, à fond de lises, on faisait
de nombreux circuits. Les uns passaient à droite, les autres
à gauche.
De temps en temps, un homme ou une femme se perdait.
Une fois, Maurever appela Reine qui ne répondit pas.
Une horrible angoisse serra le coeur du vieillard.
Et à dater de cet instant, tout fut confusion parmi les
fugitifs.
Chacun voulut chercher Reine.
On tourna ; on perdit la voie. Puis, les groupes se détachèrent.
Il y avait maintenant impossibilité de se rallier.
Hue de Maurever marchait avec son vieux vassal Simon Le Priol
qui tenait sa femme par la main.
Fanchon pleurait à chaudes larmes, la pauvre femme, parce
que ses deux enfants, Julien et Simonnette, n'étaient plus
là pour répondre à sa voix.