-Je
m'en fie à toi, maître Vincent !
-Je suis un homme de paix, messire, et cette catastrophe m'a gravement
saigné le coeur. Nous trouverons donc, disais-je, auprès
du traître Maurever, les manants du village de Saint-Jean,
plus sa fille Reine, qui se moqua si bien de vous l'autre nuit,
en coupant les cordons de votre escarcelle...
-C'était Reine ! s'écria Méloir.
-Elle aurait pu vous donner de votre propre dague dans la gorge,
messire, et les rieurs seraient restés de son côté.
Je continue : nous trouverons probablement aussi cette bouture
de chevalier, messire Aubry de Kergariou.
-Celui-là, que Dieu le confonde !
-Amen ! mon cher seigneur ! En conséquence, ce n'est plus
une meute qu'il nous faut, mais une armée.
-Une armée ! dit Méloir en haussant les épaules,
une armée pour réduire deux douzaines de patauds
et quelques femmes. Sont-ils donc dans une forteresse ?
-Oui, messire, répondit Gueffès.
-Ils ne sont pas au couvent du mont Saint-Michel, je pense ! s'écria
Méloir. Gueffès secoua la tête en ricanant.
-Ma foi, répondit-il, s'ils n'y sont pas, c'est qu'ils
n'y veulent point être ; car votre duc François est
terriblement en baisse parmi les bons moines. Mais, enfin, ils
n'y sont pas.
Seulement, des murs du couvent qui dominent la ville, on les voit
assez bien...
-Ils sont à Tombelène !
-Vous l'avez dit, messire. On les voit assez bien remuer leurs
roches et clore leur enceinte. Il y a de bons bras parmi eux,
mon cher seigneur, et de bonnes têtes, car leur petit fort
prend tournure.
-Hommes d'armes ! cria Méloir : au galop !
Les lourds chevaux frappèrent le sable en mesure. On passait
devant le bourg de Saint-Georges.
Gueffès, quoique un peu maquignon, n'était pas un
écuyer de première force.
Il se prit à la crinière de sa monture