Pour
le distraire, Bellissan le veneur découplait les lévriers
devant lui, dans la cour du manoir.
-Oh ! Tarot ! oh ! Voirot ! Fa-hi ! Rougeot ! Fa-hi ! Voyez Nantois,
messire, quel jarret ! et Pivois ! et Ardois !
-Mais ce grand noir ? demanda le chevalier en montrant un énorme
lévrier magnifiquement venu, qui se couchait à l'écart.
-Une belle bête, messire, répondit Bellissan, mais
paresseuse et couarde, je crois.
-Comment l'appelles-tu ?
-Je l'ai acheté d'un manant qui le tenait par le cou et
qui ne savait pas son nom. Il y a bien quelque chose de griffonné
sur son collier, mais du diable si j'ai appris à lire !
-Il aura nom Reinot, pour l'amour de ma dame, dit Méloir.
-Reinot, soit. Ici, Reinot ! Reinot, ici, chien ! Le lévrier
noir, assis sur la hanche, les deux jambes de devant croisées,
gardait une superbe immobilité.
Bellissan fit claquer son fouet.
Le lévrier se leva, tira ses jambes, bâilla de toute
la fente de sa gueule et poussa un hurlement plaintif, en allongeant
le cou.
-Voilà tout ce qu'il sait faire ? demanda Méloir
d'un ton de mépris.
En ce moment, Grégeois et Pivois, les deux plus fortes
bêtes de la meute s'approchèrent de leur nouveau
compagnon pour le reconnaître.
Entre chiens, la connaissance ne se fait guère autrement
que par un coup de gueule. Il y eut des grognements échangés.
Pivois et Grégeois voulurent mordre. Le lévrier
noir bondit par deux fois.
Grégeois et Pivois roulèrent en hurlant sur le pavé
de la cour.
-Bon là ! Reinot, mon filleul ! cria Méloir enchanté
; voilà un brave camarade, Bellissan, et nous allons le
mettre à la besogne cette nuit même. Or ça,
soupons lestement, et puis en route !
-C'est encore toi ? se reprit-il, en voyant qu'on lui amenait
maître Vincent Gueffès.
-C'est encore moi, mon cher seigneur.
-Que veux-tu ?