-Oh
! mon bon frère Bruno ! si vous saviez comme j'ai sommeil
!
-Tout à l'heure vous prétendiez...
-Sans doute, mais depuis...
-C'est donc moi qui vous endors, messire ! demanda le moine en
se levant.
-Vous ne le croyez pas, mon excellent frère ! Aubry lui
tendit la main. Le moine la prit sans rancune et la secoua rondement.
-Allons, s'écria-t-il ; pour votre peine vous ne m'entendrez
jamais vous conter la légende de la grotte des Saphirs,
qui est au fond de la mer. Bonne nuit donc, messire Aubry, n'oubliez
pas vos oraisons, et faites de bons rêves.
À peine la porte était-elle refermée qu'Aubry
se suspendait de nouveau à l'appui de la meurtrière.
-Reine ! oh ! Reine ! dit-il ; que Dieu vous bénisse pour
avoir eu cette pensée d'acheter une lime ! Nous sommes
sauvés !
-Puissiez-vous ne point vous tromper, Aubry !
-Demain soir, ce barreau sera tranché...
-Mais pourriez-vous passer par cette fente étroite !
-J'y passerai, dussé-je y laisser la peau de mes épaules
et de mes reins !
-Et une fois que vous serez passé, mon pauvre Aubry, aurons-nous
seulement un ennemi de moins ?
-Vous aurez un défenseur de plus, Reine ! s'écria
le jeune homme avec enthousiasme. Écoutez ! pendant que
ce bon moine était là, je rêvais et je me
souvenais. Sait-on ce que peut un homme de coeur, même contre
une multitude ? Avec Loys pour combattre les lévriers de
Rieux, et moi pour combattre les hommes d'armes du mécréant
Méloir, par saint Brieuc ! j'irai à la bataille
d'une âme bien contente !
-Je ne sais... voulut dire la jeune fille.
-Écoutez ! écoutez, Reine, poursuivit Aubry avec
une chaleur croissante ; vous ne connaissez pas maître Loys
! C'est un preux à sa façon, j'en fais serment !
Une fois, il y a deux ans de cela, mon noble père, qui
était