En
ce moment, Aubry disparut pour reparaître aussitôt
après, et, cette fois, ce fut sa main droite qui saisit
l'appui de la meurtrière.
-Il est bien heureux, ce maître Loys ! dit Reine en riant.
-Cela vous étonne que je pense à lui ? demanda Aubry.
Quand vous serez ma femme, Reine, vous verrez comme il vous aimera
! Mais vous ne pouvez pas l'aller chercher à Dinan...
-J'ai un messager tout trouvé, interrompit Reine.
Elle songeait au petit coquetier Jeannin qui avait de si bonnes
jambes...
-Merci ! merci ! s'écria Aubry avec chaleur ; il me semble
que rien ne me manquerait ici si je savais que mon beau Loys est
en bonnes mains et traité comme il faut. Mais parlons de
vous. Y a-t-il du nouveau ?
Reine secoua la tête.
-Il y a que le pays est rempli de soldats, répondit-elle
; nous aurons de la peine à nous défendre et à
nous cacher désormais.
Hier on a crié la somme promise à qui livrera la
tête de mon père.
-Elle n'est pas encore gagnée, cette somme-là, Dieu
merci !
-Ils sont nombreux. Une douzaine d'hommes d'armes, sans compter
le chef, qui est un chevalier... et beaucoup de soldats.
-Ah ! dit Aubry, notre seigneur François a trouvé
un chevalier pour s'avilir à ce métier-là
!
-Il n'en a pas trouvé, répliqua Reine ; il en a
fait un.
-À la bonne heure ! et quel est le croquant ?...
-Un de vos parents, Aubry...
-Méloir ! s'écria le jeune homme avec cette indignation
mêlée de mépris qui ne peut tuer tout à
fait le sourire ; Méloir... mon rival, vous savez, Reine...
Reine se redressa.
-Oh ! ne vous offensez pas ! Il était bon autrefois, mais
vous verrez qu'il sera pendu quelque jour comme un vilain, si
je ne lui donne pas de ma dague dans la poitrine.
-Pauvre Aubry ! dit Reine, entre sa poitrine et votre dague il
y a loin !