Et
tout à coup le sol s'abaissa. La fée monta. Elle
glissait dans les nuages.
Puis ce fut autre chose :
Jeannin se repentit amèrement de lui avoir dit que la mer
mettait une demi-heure à revenir.
Car la mer venait.
La mer passait, lisse comme une lame de cristal, sous les pieds
de la jeune fille.
Mais les pieds de la jeune fille ne s'y mouillaient point.
Oh ! que c'était bien la fée, la fée du récit
de Simon Le Priol ! la fée du chevalier breton qui courait
sur les vagues...
Un nuage cacha la lune. La fée disparut.
Le petit Jeannin pesa l'escarcelle dans sa main, et reprit tout
pensif le chemin du village de Saint-Jean.
Il possédait cette fortune qu'il avait souhaitée
avec tant de passion, les cinquante écus nantais qui devaient
le rendre si heureux ; et pourtant sa tête pendait sur sa
poitrine.
Ce n'était pas la mer que le petit Jeannin avait vu sous
les pieds de la fée, c'était le mirage de la nuit.
Jeannin connaissait trop bien les marées, lui qui vivait
les jambes dans l'eau depuis sa première enfance, pour
s'être trompé d'une demi-heure.
On a dit souvent que, dans les grèves de la baie de Cancale,
la mer monte avec la vitesse d'un cheval
au galop.
Ceci mérite explication.
Si l'on a voulu dire que la marée partant des basses eaux,
gagnait avec la rapidité d'un cheval qui galope, on s'est
assurément trompé.
Si l'on a voulu dire, au contraire, qu'un cheval, partant du bas
de l'eau en grande marée, aurait besoin de prendre le galop
pour n'être point submergé, on n'a avancé
que l'exacte vérité.