La
fée était debout à la même place. Et
le petit Jeannin remarqua pour la première fois combien
sa taille était fine, noble et gracieuse. On ne voyait
point son visage, mais Jeannin, en ce moment, la devina bien belle.
-Enfant, dit-elle, d'une voix triste et si douce que le petit
coquetier se rapprocha d'elle involontairement, ne montre cette
escarcelle à personne, car elle pourrait te porter malheur.
-Il faudra pourtant bien la porter à Simon Le Priol, pensa
Jeannin.
-Simonnette est belle et bonne, reprit la fée ; rends-la
heureuse.
-Oh ! quant à ça, soyez tranquille !
-Prie Dieu pour monsieur Hue de Maurever, ton seigneur, qui est
dans la peine, poursuivit encore la fée, et s'il a besoin
de toi, sois prêt !
-Dam ! fit Jeannin avec embarras, je ne suis pas bien brave, vous
savez, bonne dame ! Mais c'est égal, je commence à
croire que je deviendrai un homme un jour ou l'autre ! Et, tenez,
j'avais bonne envie des cinquante écus nantais, n'est-ce
pas, puisque j'ai osé courir après vous pour les
avoir ? Eh bien ! ce soir, le chevalier qui est là-bas
m'a dit : «Si tu veux me livrer le traître Maurever,
tu auras cinquante écus nantais». Moi, j'ai pris
mes jambes à mon cou...
-Est-ce que tu sais où se cache monsieur Hue ? demanda
la fée.
-Je pêche quelquefois du côté de Tombelène,
répondit Jeannin qui eut un sourire sournois.
La fée tressaillit, puis elle lui prit la main. Jeannin
trembla bien un peu, mais ce fut par habitude.
-Si on t'appelait au nom de la Fée des Grèves, dit-elle,
viendrais-tu ?
-Par ma foi, oui ! répondit Jeannin sans hésiter
; maintenant, j'irais !
-C'est bien... souviens-toi et attends. Adieu ! La fée
franchit d'un bond la queue de la mare Cayeu. Le vent du large
prit son voile qui flotta gracieusement derrière elle.
Jeannin resta frappé à la même place.
C'était à présent que lui venait la terreur
superstitieuse.