païen, mais qui dit cela ? des gens qui croient à
la Fée des Grèves et autres sornettes, au lieu de
se fier à la vierge Marie !
-Ah ça ! dit Méloir, au fait, qu'est-ce que c'est
que la Fée des Grèves ?
-C'est une jeune fille, monseigneur, qui pourrait, si elle le
voulait, vous mener tout droit à la retraite de Maurever.
-Vrai ?
-Très vrai.
-Où la trouve-t-on, cette jolie fée ?
-Ici et là, tantôt à droite, tantôt
à gauche. Vous l'avez vue cette nuit.
Méloir porta la main à sa ceinture, où pendait
encore le cordon coupé de son escarcelle.
-Quoi ! s'écria-t-il, ce serait ?... Gueffès eut
un sourire.
-La fée des Grèves, ni plus ni moins, monseigneur,
interrompit-il. Méloir cessa de manger.
-Est-ce que tu voudrais te moquer de moi ? gronda-t-il en fronçant
le sourcil.
Le vent apporta le son le plus rapproché d'une seconde
fanfare.
-À Dieu ne plaise ! monseigneur, répondit Gueffès
; mais voici vos lévriers qui arrivent. Quand ils seront
là, vous ne voudrez plus m'écouter. Permettez-moi
de mettre à profit le temps qui me reste.
Si je ne peux pas faire mieux, je tiens au moins à gagner
mes cinquante écus nantais. Comme je vous le disais, je
vais de côté et d'autre pour avoir du pain. Partout
où l'on parle, j'écoute. Y a-t-il longtemps que
vous n'avez vu la cour ?
-Tout au plus une semaine.
-Un siècle, mon pauvre seigneur ! Combien de fois le vent
peut-il tourner en une semaine ? François de Bretagne enfle
et pâlit. À la cour du roi Charles, on commence à
prononcer le mot de fratricide.
Et monsieur Pierre de Bretagne, notre futur duc, a juré
qu'il ferait pendre messire Jean de la Haise à la plus
haute tour de son manoir du Guildo.
-Tu es sûr de cela ? murmura Méloir.