-Dieu
me pardonne, acheva Méloir, je crois que c'est ce coquin
qui m'a volé mon escarcelle !
-Oh ! mon bon seigneur, mon bon seigneur ! s'écria maître
Gueffès ; je vous jure...
-Bien ! bien, mon homme, interrompit Méloir, tu vas jurer
tout ce qu'on voudra, mais moi, je vais te faire pendre ! Gueffès
se jeta à genoux.
-Mon cher seigneur, dit-il, les larmes aux yeux, et c'était
la première fois de sa vie qu'il donnait de pareilles marques
d'attendrissement, mon cher seigneur, la mort d'un pauvre innocent
ne vous rendra point votre escarcelle, et si vous me laissez la
vie sauve, je vous fournirai de quoi gagner les bonnes grâces
du riche duc.
-Saurais-tu où se cache le traître Maurever ? demanda
vivement Méloir.
-Oui, mon cher seigneur, répliqua Gueffès sans hésiter.
Gueffès était trop homme d'affaires pour ne pas
voir que la crise était passée.
Il se redressa un petit peu, et son oeil fit le tour du cercle.
-La vie sauve ! répéta-t-il ; vous êtes bien
trop généreux, mon cher seigneur, pour ne pas ajouter
quelque petite chose à cela.
-Allons ! parle ! s'écria Méloir. Gueffès
se redressa tout à fait.
-Au clair de la lune, là-bas, sur le tertre, dit-il, tranquillement
cette fois, j'ai vu passer votre escarcelle, mon cher seigneur.
Oh ! les beaux cheveux blonds et le gracieux sourire !
-Parle donc !
-Quatre jambes vont plus vite que deux. Hommes d'armes ! montez
à cheval, si vous voulez suivre le conseil d'un pauvre
honnête chrétien, descendez par le village et piquez
droit aux Grèves.
Vous trouverez l'escarcelle... et quand vous serez partis, ajouta-t-il
en regardant Méloir en face, moi je parlerai à mon
cher seigneur.
-En route ! cria Méloir.