vous
autres ?
Depuis que le duc François, notre cher seigneur, est rentré
en Bretagne, il enfle, il enfle...
-Je l'ai vu, voilà trois jours passés, en la ville
de Rennes, répliqua Fontebrault, au palais ducal de la
Tour-le-bât. S'il n'avait pas eu sa couronne tréflée,
je ne l'aurais pas reconnu.
-Couronne tréflée ! s'écria le héraut
qui avait nom Jean de Corson ; où vîtes-vous cela,
Messire ? croix tréflée je ne dis pas, mais il n'entra
jamais de trèfle en une couronne, si ce n'est en celles
de David et d'Assuérus.
La couronne, Messire, est le signe ou l'enseigne des dignités
de nos seigneurs : fermée et croisée pour souverains,
coiffant le casque de face, la grille haute ; aux barons le simple
diadème ; aux comtes les perles sans nombre, aux ducs les
feuilles d'ache, d'acanthe ou de persil...
-Donc, sa couronne persillée, messire de Corson, rectifia
gravement Artus de Fontebrault.
-Sans compter, dit Méloir, qu'un bouquet de persil ne serait
pas de trop dans la sauce de ces oies. Mais voyez donc quelles
nobles bêtes !
Elles étaient déjà dorées, et leur
parfum violent dilatait toutes les narines.
-La maladie de notre seigneur François, reprit Méloir,
a un nom de deux aunes, qui commence comme le mot hydromel, et
qui finit en grec à la manière de tous les noms
païens inventés par les fainéants qui savent
lire. Nous sommes de fidèles sujets, n'est-ce pas ? Eh
bien ! prions saint François de guérir le seigneur
duc et soupons à sa santé comme des Bretons !
La proposition était trop loyale pour n'être point
accueillie avec faveur.
Les deux oies, les canards, les poules et peut-être un paon
que nous avions oublié dans le dénombrement des
volailles assassinées, furent placées fumants sur
la table, et tout le monde fit son devoir.