-Mais
où est-elle ? où est-elle ? Julien fut bien une
minute avant de répondre.
-J'ai rencontré, dit-il enfin avec effort, le vieux vicaire
du Roz sous le porche de l'église. Il pleurait...
-Il pleurait !
-Et il m'a dit : «Julien, n'oublie pas la fille de ton maître
quand tu réciteras le De Profundis du soir». Les
yeux de Simonnette s'inondèrent de larmes.
La grosse métayère Fanchon essaya de se soulever
et retomba suffoquée.
-Morte ! morte ! répéta Julien Le Priol. Puis il
ajouta en se signant :
-Et je crois que j'ai déjà vu son esprit !
Une frayeur vague remplaça l'expression douloureuse qui
était sur tous les visages.
-Tout à l'heure, en passant sous le manoir, poursuivit
Julien, je regardais les fenêtres qui n'ont plus de vitraux.
Les murailles étaient éclairées par la lumière
de la lune, et chaque croisée faisait comme un trou noir.
Dans l'un de ces trous noirs, j'ai vu saillir une blanche figure...
et j'ai dit ma première oraison pour que Dieu ait l'âme
de notre demoiselle.
Le silence se fit. La cruche au cidre et l'écuelle chômaient
sur la table. À la crémaillère, la bouillie
d'avoine brûlait sans que personne s'en aperçût.
De grosses larmes roulaient sur les joues de Simonnette. Il n'y
avait plus de trace de cette bonne joie de la Saint-Jean qui emplissait
la ferme naguère. Dans ce silence où l'on n'entendait
que le bruit des respirations oppressées, un bruit éclata
tout à coup. C'était le son d'une trompe disant
les trois mots de l'appel ducal.
-Écoutez ! s'écria Julien, qui se leva tout pâle.
-Qu'est-ce que cela ? demanda le vieux Simon.