-Hier.
-À quelle heure ?
-À minuit.
Toutes ces réponses furent faites rondement et d'un ton
assuré.
Mais Vincent Gueffès allongea sa mâchoire en un sourire
méchant.
-Ah ! ah ! petiot ! dit-il, et que fais-tu à minuit, si
loin de ton trou, devant la porte de Simon Le Priol ? Détourner
la question est le fort de la diplomatie normande.
Le petit Jeannin se campa crânement devant Gueffès
et répondit :
-Là, ou ailleurs, je fais ce que je veux. Et souvenez-vous
du jeu que le Breton proposa au Français, dans l'auberge
des Quatre Besans d'or : du jeu qui se joue sans table ni tapis,
maître Vincent Gueffès, avec deux gaules d'une toise.
Bon pied, bon oeil, main alerte, et à la grâce de
Dieu !
Ma foi, Simon Le Priol ne put s'empêcher de rire, et ce
ne fut pas aux dépens du petit Jeannin. Simonnette était
toute rose de plaisir. Fanchon, la ménagère, but
un coup d'hypocras pour cacher sa gaieté. Les quatre Mathurin
écrasèrent, dans leur contentement, les pieds des
quatre Gothon. Maître Gueffès ne broncha pas.
-Un bâton d'une toise ne prouve pas que mensonge
soit parole d'Évangile, dit-il. Que faisait la fée
quand tu l'as vue !
-Elle se baissait sur le seuil pour ramasser un gâteau de
froment.
-Ça, c'est la vérité, appuya la ménagère
; j'avais mis un gâteau de froment sur la porte.
-Et comment est-elle faite, la Fée, petiot ? demanda encore
maître Gueffès. Jeannin hésita.
-Elle est belle, répliqua-t-il enfin, belle comme un ange...
presque aussi belle que la fille de Simon Le Priol.
Simon et sa femme froncèrent le sourcil à la fois.
Maître Vincent Gueffès ouvrait sa large bouche pour
lancer quelque trait