Il
y eut une bruyante explosion, parce que chacun avait retenu son
souffle. Les observations se croisèrent. Les langues des
quatre Gothon surtout, trop longtemps immobiles, avaient absolument
besoin de fonctionner.
-Ah ! Jésus Dieu ! s'écria Gothon Lecerf, le pauvre
Français fut bien puni tout de même !
-Pourquoi chantait-il les vêpres luronnes ! riposta Gothon
Legris.
-Et le Normand ! reprit Gothon Lenoir.
-Ah ! dam ! conclut Gothon Ledoux, le Normand fut dindon, ça
c'est vrai, et bien fait. Et chacun de rire.
Pourquoi rit-on toujours quand un Normand se casse le cou ?
Maître Gueffès haussa encore les épaules.
-Et vous allez mettre à présent une bonne écuellée
de gruau sur le pas de votre porte, n'est-ce pas, dame Fanchon
? dit-il d'un air narquois.
-Oui, maître Gueffès, répondit la ménagère,
qui ajouta en s'adressant à Simonnette : Tiens, fillette,
porte la part de la bonne Fée.
Simonnette prit l'écuelle fumante et la déposa sur
le pas de la porte, en dehors.
-Et vous croyez que la Fée va venir lécher votre
écuelle ? dit encore maître Gueffès, la mâchoire
sceptique.
-Si je le crois ! s'écria Fanchon scandalisée.
-Et qui ne le croirait ? demanda Simon Le Priol ; nos pères
et nos mères l'ont bien cru avant nous !
-Vos pères et vos mères, répliqua Gueffès,
perdaient leur bouillie ; vous aussi. C'est pitié de voir
jeter ainsi de bonne farine à la gloutonnerie des vagabonds
ou des chiens égarés.
-Si on peut parler comme ça ! s'écrièrent
les quatre Gothon tout d'une voix.
Les quatre Mathurin agitèrent en eux-mêmes la question
de savoir s'il n'était pas convenable et opportun de jeter
le vilain Gueffès dans la mare.
-Moi, je vous dis, reprit Gueffès, qu'il n'y a pas plus
de fée dans les Grèves que dans le creux de ma main.
Quelqu'un de vous l'a-t-il vue ?