Les
vagues dansaient. Le Breton fermait les yeux pour ne pas devenir
fou.
Eh ! hop ! eh ! hop !...
Toutes les respirations s'étaient arrêtées.
On perdait le souffle à suivre cette course fantastique.
Simon Le Priol reprit haleine et essuya la sueur de son front.
Car il contait cela de grand coeur, comme il faut conter quand
on veut passionner son auditoire.
On peut dire qu'autour de la cheminée chacun voyait le
cheval noir courir sur la pointe des lames, et le voile de la
Fée flottant à la brise nocturne.
Fanchon la ménagère plongea sa cuiller de bois dans
le chaudron où cuisait la bouillie d'avoine, et emplit
une pleine écuellée.
-La part de la bonne Fée ! murmura-t-on à la ronde.
Maître Vincent Gueffès, le vilain Normand, fut tout
seul à hausser les épaules.
Ce ne fut pas long, mes petits enfants, poursuivit Simon Le Priol
; le Breton commençait un Ave dévotement, parce
qu'il se reconnaissait en faute pour s'être mis sous une
protection autre que celle de la vierge
Marie, lorsqu'il sentit un grand choc.
C'était le cheval noir qui prenait pied sur le rocher du
Mont.
Le Breton rouvrit les yeux. La Fée se balançait
comme une vapeur aux rayons de la lune.
Elle se jeta tête première dans la mer bleue qui
rendit des étincelles.
Le chevalier breton passa la nuit en prières dans la chapelle
du couvent. Le lendemain, au bas de l'eau, il vit arriver le fin
Normand par la route de Pontaubault. Le Normand donna ses cent
sous de la monnaie de Rouen, et ses trois écus royaux,
bien à contrecoeur.
Quant au Français, Satan sait de ses nouvelles.
Voilà ce que c'est, mes petits enfants ; tout est vrai
comme ma mère me l'a dit. N, i, ni, j'ai fini.