Et
en route !
-Bon voyage, mes vrais amis, leur cria le Normand qui prit la
route de Pontorson. Le Français répondit : Bon voyage
! et piqua droit aux sables. Le Breton dit aussi : Bon voyage
! mais il retint son cheval.
Que fit-il ? C'est à présent que la Fée pouvait
le perdre ou le sauver.
-Ah ! dam, oui, par exemple ! interrompit l'assistance tout d'une
voix.
Simon flatté de cet élan naïf, fit un signe
amical à la ronde et poursuivit :
-Pas moins, le Normand courait en faisant le grand tour et le
Français galopait vers les Grèves.
Mon Breton, ayant réfléchi, vrai comme je vous le
dis, entra chez un marchand d'épices et acheta des friandises
pour toute sa piécette de vingt-quatre sous.
Il savait que la bonne Fée aimait les doudoux parce qu'elle
est une femme.
Et il partit semant ses épices au bord du rivage, en disant
: Bonne Fée, bonne Fée, prends pitié de moi
!
On vous l'a dit et c'est la vérité : la Fée
descend dans le brouillard, mais elle se laisse aussi glisser
le long des rayons de la lune.
Le Breton la vit venir ainsi.
Ah ! grand Dieu ! c'était un brave homme, vous allez voir
!
La Fée courut aux épices. Le Breton se coula jusqu'à
elle et comme la Fée s'amusait aux friandises, il la saisit
à bras-le-corps...
-Voyez-vous ça ! fit-on dans l'assistance.
Et l'attention de redoubler.
Le petit Jeannin lui-même tournait maintenant ses grands
yeux bleus vers Simon Le Priol.
-Ma foi ! dam ! oui, les gars et les filles ! continua Simon :
le Breton la saisit à la brassée, et si vous ne
savez pas grand'chose, vous savez bien sûr, qu'une fois
prise, la Fée fait tout ce qu'on veut et donne tout ce
qu'on demande.