Cependant, il avait
dit amen, et pour l'honneur de la
Bretagne il ne pouvait point se dédire.
-Pour si futile objet, pensait-il, Dieu et la Vierge ne me viendront
point en aide. À moi la bonne Fée des Grèves
!
Il y eut à ce nom un long soupir de contentement autour
de la cheminée.
Les escabelles se rapprochèrent. Tous les yeux dévorèrent
le conteur.
Simon Le Priol, sûr de son effet, réclama la cruche
et l'écuelle.
Et tout le monde de murmurer :
-Oh ! maître Simon, dites vite ! dites vite !
Maître Simon prit son temps, lampa une terrible rasade et
poursuivit :
-Vous me demanderez ce que pouvait faire la Fée des Grèves
dans une partie de dés, jouée en terre ferme ?
Attendez, mes petits enfants. Vous allez voir. Voilà donc
qu'est comme ça !
-Mon compagnon, dit le chevalier breton, dans mon pays de Cornouailles,
on ne sait point jouer aux dés.
-Quel jeu joue-t-on dans ton pays de Cornouailles ?
-Le jeu du bois de cormier, mon compagnon.
-Et comment le joue-t-on ce jeu du bois de cormier ?
-On le joue sans table ni tapis, dans l'aire avec deux gaules
d'une toise : Bon pied, bon oeil, et à la grâce de
Dieu !
Le Français comprit et fit la grimace. L'assemblée
eut ici un gros rire franc et joyeux.
-Il n'était pas gaucher, le Breton ! dit un Mathurin.
-En voilà un malin, le Breton ! s'écrièrent
plusieurs Gothon.
Et entre voisins on se pinça le gras des bras jusqu'au
sang par jubilation et sans malice.
Le pauvre petit Jeannin seul n'écoutait guère et
ne pinçait personne. Il en était toujours à
penser :
-Si j'avais seulement cinquante écus nantais !
-Quoi donc ! voilà qu'est comme ça, reprit encore
Simon Le Priol ; le Breton n'était pas bête, c'est
la vérité, faut pas mentir !