En
ce moment, elle écoutait Simon Le Priol, son père,
qui contait une histoire.
Une belle histoire, car vous eussiez entendu la souris courir
dans la salle basse de la ferme.
-Voilà donc qu'est comme ça, mes vrais amis, disait
Simon ; le chevalier était de quelque part par là
en Léon ou en Cornouailles, du côté de la
Bretagne bretonnante, comme on l'appelle, à cause qu'on
y parle baragouin.
Il venait en la ville de Dol pour voir sa mère ou autre
chose, je ne sais pas.
Voilà qu'est comme ça.
Ils couchaient trois dans la même chambre, à l'hôtellerie
des Quatre Besans d'Or, sous le couvent des Minimes, au bout de
la Rue-qui-Tourne : un Français, un Normand et le chevalier
breton, qui fait trois, comme je vous le dis.
Avant de s'endormir, c'est pourtant vrai, ce que je vous fais
là, le Français chanta une antienne luronne, le
Normand compta les angelots de son escarcelle, et le Breton récita
ses prières.
Faut pas mentir ! le Français dit au Normand :
-Combien as-tu dans ton sac, mon compagnon ?
-Cent sols de la monnaie de Rouen et trois ducats de Flandre,
répondit le Normand.
-Veux-tu les jouer aux dés en quinze passes contre cent
sols parisis et trois anneaux de ma chaîne d'or ?
Le Normand ferma son escarcelle et la mit sous son oreiller.
-Tu ne veux pas ? repris l'enragé Français ; eh
bien ! buvons-les s'il ne te plaît pas de les jouer.
-Mes chers compagnons, interrompit ici le Breton, je vous prie
de me laisser dire mes oraisons... Passe-moi l'écuelle,
Mathurin !
Ce n'était autour du cercle, que bouches béantes
et regards curieux. Simon Le Priol but un large coup et poursuivit
:
-Nous n'y sommes pas, mes bonnes gens !
Oh ! mais non ! Vous allez voir bientôt ce que fit la Fée
des Grèves. Attention !