Mais
il est des instants où l'œil s'arrête avec indifférence
sur la plus splendide de toutes les féeries. On ne voit
pas, parce que l'esprit est ailleurs.
Le
cortège qui accompagnait François de Bretagne au
monastère descendait la montagne lentement. Chacun était
silencieux et morne.
Ces
mots bizarres, prononcés par le grigou, coiffé de
lambeaux : Duc, que Dieu t'oublie ! étaient dans la mémoire
de tous.
Et
tous remarquaient l'absence de M. Hue de Maurever, écuyer
du prince défunt, absence qui était d'autant plus
inexplicable que les domaines de Maurever se trouvaient dans le
voisinage immédiat de Pontorson, à quelques lieues
d'Avranches.
Or,
en ce monde, il y a presque toujours une clef pour les choses
inexplicables.
Quand
il s'agit de criminels ordinaires, cette clef se dépose
sur la table d'un greffe. Des juges s'assemblent. On pend un homme.
Quand
il s'agit des puissants de la terre, personne n'ose toucher à
cette clef, et le mot de l'énigme reste enfoui dans les
consciences.
Si
l'escorte du duc François se taisait, ce n'était
pas qu'on n'y eût
rien à se dire. C'est que nul n'osait ouvrir la bouche
sur le sujet qui
occupait tous les esprits. Une partie de la foule avait suivi
le cortège: la foule n'avait pas pour
se taire les mêmes raisons que les hommes d'armes.
Et Dieu sait qu'elle s'occupait du riche duc pour son argent !
Il yen avait, dans la foule, qui prononçaient le mot sacrilège
en parlant de
ce somptueux pèlerinage.
A l'entrée
de la grève, douze guides prirent les devants pour sonder
les lises et reconnaître les cours d'eau.
Le
brouillard s'éclaircissait. Un coup de vent balaya les
sables.
La
cavalcade prit le trot, comme cela se fait sur les tangues, où
la rapidité de la marche diminue toujours le danger.
Aubry
de Kergariou et l'homme à la cotte d'hermine, qui. se nommait
Méloir, tenaient toujours la tête de la procession.