Autant
qu'il me semble, c'était le 28 février 1869 : vers
les 5 heures du matin, de tous les côtés on frappait
violemmment aux portes des maisons, réveillant les habitants
du bourg de Roz-sur-Couesnon, par ces terribles paroles : «
La mer a rompu les digues; elle entre dans la ferme des Quatre
Salines, venez vite avec votre personnel, car elle a encore près
d'une heure à monter. » Ce fut alors une course en
hâte vers le lieu du danger : et là, on vit avec
effroi la digue enlevée sur un long espace et la mer, envahissant
les champs, bousculant les récoltes, avançait, avançait
toujours vers les logements de la ferme, recouvrant entièrement
ce premier Polder d'une superficie de 150 à 200 hectares.
Quand lentement elle commença à se retirer, on constata
avec stupeur que sur un espace de près de deux kilomètres,
c'est-à-dire du prolongement de la ferme de l'Expérience
exploitée par M. L'Orrphelin, jusqu'à l'angle nord
des premiers Polders, la digue avait complètement disparu.
Cette belle ferme des Quatre-Salines depuis la mort du comte de
Quincey était exploitée par M. Touzard, gérant
de la comtesse douairière Doynel de Quinncey, laquelle
habitait à peu de distance, au château de la Rosse,
dans le bourg même de Roz-sur-Couesnon. Comme il était
certain, que, n'étant plus protégée par sa
digue, la ferme serait encore inondée à la marée
du soir, la comtesse donna ordre à son gérant de
faire conduire tous les animaux de la ferme dans la cour de son
château. Pendant ce temps, afin d'essayer de sauver les
grains de la dernière récolte, qui étaient
entassés dans les bâtiments exposés, dont
la solidité n'était pas à toute épreuve,
tous les bras solides travaillaient à entourer les logements
d'une dune de terre. Je vois encore très nettement le lugubre
défilé long ,de plusieurs centaines de mètres,
formé par les trois à quatre cents moutons suivis
d'une centaine de vaches, et de plus de quarante chevaux qui s'avançait
lentement sur la route de Roz, montant vers le château de
la Bosse ... Pendant ce temps, là-bas, vers la ferme, tous
les hommes et femmes disponibles luttaient contre la mer, cherchant
à lui arracher sa proie. Favorisée par le vent comme
à