Mais
ces journaux n'en parleraient certainement pas ainsi, s'ils avaient
pu se rendre compte de la triste situation où nous réduisait
notre isolement et le peu de sécurité que présentaient
nos communications avec la terre ferme, sans parler de nos intérêts
pécuniaires, si longtemps compromis par cetétat
de choses. Faul-il vous rappeler combien il était difflcile
parfois de faire venir un médecin pour porter les secours
les plus urgents à une personne en danger de mort ? Faut-il
vous citer la triste liste de nos malheureux compatrioles qui,
surpris par la mer ou par le brouillard
en se rendant à terre, ont trouvé au milieu des
grèves une mort affreuse, mort à laquelle ils eussent
échappé si la digue avait existé. Tous ces
tristes événements sont encore présents à
notre mémoire et plusieurs d'entre nous pleurent encore
des parents et des amis enlevés d'une manière tragique
à nos plus chères affections. Et c'est au moment
où nous commençons à jouir des bienfaits
d'une voie de communication permanente et absolument sûre,
au moment où nous apprécions chaque jour davantage
ses bienfaits, qu'on voudrait nous en priver et nous faire rentrer
dans notre isolement. Nous ne saurions protester trop énergiquement
contre de semblables projets.
Ce
qui nous donne bonne conscience, c'est que nous ne sommes pas
les seuls qui soyons intéressés à la conservation
de cet admirable ouvrage. Toutes les populations du littoral :
Beauvoir, Ardevon,
Huisnes et Courtils y sont intéressées autant que
nous. Les ravages exercés par la mer le long de ces côtes
principalement en 1856 et 1869 ont laissé des traces qui
subsistent et subsisteront longtemps encore : 500 hectares de
terrain ont été détruits; des fermes ont
disparu; des bâtiments ont été renversés,
des familles ruinées. Plus de 500 hectares étaient
sous le coup d'une menace permanente d'invasion de la mer. Cette
menace a été conjurée par la digue qui abrite
ces côtes contre les vents violents de l'ouest et qui fait
régner, sur ce littoral, un calme relatif auquel, depuis
longtemps, nous n'étions pas accoutumés.