Les
habitants, qui y vivaient de la chasse et de la pêche, au
besoin trouvaient un refuge sur les sommets des deux rochers,
qu'en langage imagé ils appelèrent les deux Tombes,
à cause de leur forme. Peut-être aussi ont-ils voulu
conserver de la sorte le souvenir de deux tombes véritables,
ou dolmens, comme les premiers colons du sol avaient coutume d'en
édifier. Quoi qu'il en soit, de bonne heure le Mont du
Sud fut nommé Tombe (tumba), et celui du Nord Tombelle
(tumbella ou tumbellina], à moins qu'on ne préfère
saluer en celui-ci un souvenir de Belenus, l'Apollon des Gaulois.
En conséquence d'un travail lent ou d'une oscillation subite,
le cordon du littoral, qui opposait à la mer une barrière
d'ordinaire insubmersible, s'affaissa et le flot trouva une porte
ouverte pour prendre possession du sol. La charge foudroyante
de certaines marées, demeurées historiques, devait
assurer la continuite de cet envahissement.
Les marées des années 541 et 603 se signalèrent
entre toutes par leur violence. Peu à peu les habitants
se fixèrent sur les flancs des deux îlots. L'imagination
du peuple et aussi de certains historiens s'est plu à édifier
des temples romains à Jupiter ou à Apollon en ces
retraites solitaires, d'abord hantées par les druides.
Il paraît plus certain que de pieux ermites s'y installèrent
à l'époque où la Foi chrétienne planta
son étendard sur le promontoire des Abrincares, ou Avranches.
On a prétendu que leur couvent se nommait Mandane; ce qui
est mieux établi c'est la désignation de «
Monastère ad duas tumbas », sur lequel semble planer
la mémoire de saint Pair, évêque d'Avranches
au VIe siècle, et qui a donné son nom à la
localité voisine.
Les chroniqueurs ont conserve la mémoire de cette situation
primitive. En son naïf langage, le moine-poète Guillaume
de Saint-Pair nous apprend que : " Desouz Avranches, cirst
la forest de Quokelande, pleine de riche venaison," et qu'une
voie antique conduisait "d'Avranches