Les
braves soldats des garnisons de Bretagne et du Mont Saint-Michel
se plaignirent avec amertume. Une rasade de vin n'est pas à
dédaigner, au petit jour, lorsque, toute la nuit, on a
fait le guet sur une tour d'angle, ou qu'on a traîné,
avec cinquante camarades, une grosse bombarde sous les murailles
d'un château pour y faire une brèche d'assaut.
Mais comment obtenir le vin à meilleur marché ?
Les producteurs ne voulaient rien entendre on était en
guerre depuis près, de cinquante ans; des bandes armées,
régulières ou non, dévastaient le pays; la
main-d'œuvre était hors de prix, les futailles avaient
quadruplé de prix; les caves étaient vides les récoltes
précédentes ayant été médiocres.
Un seul moyen se présentait pour faire baisser le vin;
c'était la suppression de l'impôt. Vous ne serez
pas étonnés d'apprendre que le Roi de France, faisait
la sourde oreille. Allez donc demander ce dégrèvement
à notre actuel ministre des Finances ! Le vin, le cidre,
la bière, l'alcool, sont les grands pourvoyeurs de nos
caisses publiques et les argentiers du XVe siècle avaient
sur cette question les mêmes idées que les financiers
de nos jours.
Deux excellentes bretonnes, les dames de Laval et de Vitré,
tante et cousine de Jean IV duc de cette province, s'intéressèrent
gentiment aux hommes d'armes de la contrée, Jeanne de Laval,
dîte l'aînée, était veuve en premières
noces de Bertrand Duguesclin; la garnison du Mont Saint-Michel
lui était chère entre toutes. Elle s'était
remariée à Guy XII; Anne