Ni
les montagnes basaltiques, dont les flancs sont plus escarpés
que les murailles, ni les fleuves turnultueux, ni même les
bras de mer où. les flots déferlent avec furie,
ne l'arrêtaient dans sa marche effrayante.
Le serpent ne laissait que ruines sur son passage; les champs,
sur lesquels son corps avait traîné, devenaient aussitôt
stériles et les herbes étaient brûlées
dans les grandes prairies qu'il avait traversées, en dévorant
les bœufs et les chevaux.
L'eau des rivières,où il s'abreuvait, était
empuantie et des miasmes fétides, engendrant des maladies
inconnues, s'échappaient des forêts où le
monstre se retirait, la nuit.
Longtemps, il s'était repu d'animaux; mais, depuis plusieurs
semaines, il dévorait les gens; le soir, il rôdait
autour des villes, happant de sa gueule formidable les gens attardés;
des femmes allant au lavoir, des enfants revenant de l'école,
avaient été engloutis par centaines.
Personne n'osait plus sortir et, dans les villes opulentes aussi
bien que dans les plus misérables hameaux, les Irlandais
frappés de stupeur recommandaient leurs âmes à
Dieu.
Quel crime I'île avait donc commis pour que le Seigneur
envoyât un pareil fléau ? Cependant les riches faisaient
d'abondantes aumônes; les églises étaient
remplies de fidèles, les chefs se montraient justes, l'archevêque,
était vénérable, le clergé probe et
savant et le roi Elgor n'avait pas un ennemi !
Le souverain, ayant tenu conseil avec l'archevêque