Puis il ajouta tout haut :
-Bonnes gens, je ne vous ferai point de mal.
Un carreau d'acier vint frapper le front de son cheval, qui se
leva sur ses pieds de derrière et retomba mort.
-Maintenant fuyons ! s'écria Julien Le Priol ; ses armes
le gênent ; il ne nous atteindra pas.
Oh ! certes, sans sa blessure, Reine de Maurever, qui avait trompé
naguère si longtemps la poursuite du petit Jeannin, Reine
eût échappé en se jouant au chevalier Méloir.
Mais elle souffrait cruellement, mais elle était accablée.
Elle essaya de suivre Julien. Elle ne put et s'affaissa sur le
sable.
-Sarpebleu ! s'écria Méloir exaspéré
; est-ce comme cela, manant endiablé ? Dix drôles
comme toi ne payeraient pas mon bon cheval !
Attends !
Il prit son élan et vint l'épée haute sur
Julien.
C'était à ce moment qu'Aubry de Kergariou mettait
l'oeil au télescope élémentaire, fabriqué
par Messer Jean Connault, prieur des moines et amateur de physique.
Julien attendit le chevalier de pied ferme et le blessa d'un second
coup d'arbalète.
Mais il n'avait que son couteau court pour détourner la
longue épée de Méloir. Il fut renversé
du premier choc.
-Adieu, mademoiselle Reine, dit-il en mourant ; que Dieu vous
protège ! moi, j'ai fait ce que j'ai pu.
-Reine ! s'écria Méloir qui n'en pouvait croire
ses oreilles.
Il regarda le prétendu jeune garçon, et reconnut
en effet la fille de Maurever.
-Oh ! oh ! dit-il, voilà donc pourquoi ce rustre prétendait
résister à un chevalier !
-Damoiselle, ajouta-t-il en s'inclinant courtoisement, vous ne
faites que changer de serviteur.