-Voyez ! répliqua Jeannin. Mais il n'était pas facile
de voir.
Aubry s'approcha en tâtonnant, et sa main rencontra le corps
tout chaud d'un énorme lévrier blanc et noir qui
était étendu sur le sable.
-Maître Loys était plus grand et plus beau que cela,
murmura-t-il.
-Quand Méloir a dit à son veneur de découpler
les chiens, reprit Jeannin, celui-là qui était sous
le vent de moi n'a fait qu'un bond et m'a pris à la gorge
en grondant, mais je me méfiais.
J'avais la main sur mon couteau que je lui ai plongé entre
les côtes.
-Et tu n'as pas poussé un cri, petit homme ! dit Aubry
en lui frappant sur l'épaule ; c'est bien, tu feras un
maître soldat !
Jeannin rougit de plaisir.
Quelque part, dans le brouillard, Simonnette était là
qui devait entendre.
-Oui, oui, dit frère Bruno, Peau-de-Mouton sera un fier
soldat, c'est vrai. Il a tué un chien, à ce que
je comprends, mais il en reste onze, et si monsieur Hue veut me
permettre de parler, je vais donner un bon conseil.
-Parle, répliqua le vieux Maurever, que ces divers événements
semblaient préoccuper très peu.
-Parle ! grommela Bruno ; le vieux seigneur est dans ses méditations
jusqu'au cou. Et les méditations, c'est comme les tangues,
on s'y noie ! mais il ne m'appartient pas de juger un seigneur.
-Eh bien ? fit monsieur Hue.
-Voilà ! maintenant il s'impatiente parce que je ne parle
pas assez vite.
Eh bien ! messire, reprit-il tout haut, je déclare que
je vous regarde comme notre chef, tant à cause de votre
âge respectable que pour le titre de chevalier banneret
que vous avez...
-Incorrigible bavard ! interrompit Maurever.
-Ah ! par exemple ! s'écria Bruno en colère, depuis
cinquante-deux ans que je vis, et je pourrais dire cinquante-trois
ans, vienne la Saint-Mathieu, car je suis né trois ans
avant le siècle, oui-da ! et mes dents ne branlent pas
encore, voici la première fois qu'on m'appelle bavard !
Mais