Et
ne voyez-vous pas ici,- ici !- ces danseurs pâles qui mènent
tout à l'entour leur ronde insensée ?
Les bras enlacés, les cheveux au vent, des lambeaux de
linceul qui flottent, des yeux profonds et vides...
-Au secours ! Seigneur Dieu ! au secours ! Personne ne vient.
La mer monte. Ou bien la lise molle cède sous les pieds
avec lenteur. Ils sont rares ceux qui racontent ce rêve
du malheureux perdu dans les brouillards. Bien peu sont revenus
pour dire ce qu'invente la fièvre à l'instant suprême.
* *
*
Les
réfugiés du village de Saint-Jean qui avaient passé
la nuit à Tombelène n'auraient pas même dû
hésiter à fuir, car il était mille fois probable
que Méloir et ses soldats profiteraient du brouillard pour
renouveler leur attaque.
Or, la partie du rocher où Bruno et sa petite armée
s'étaient défendus si vaillamment sortait presque
tout entière de la brume, qui l'entourait comme une ceinture.
Les assaillants eussent attaqué cette fois à coup
sûr, car ils auraient vu et seraient restés invisibles.
Au contraire, en se mettant résolument en grève,
les assiégés qui connaissaient, pour la plupart,
les cours d'eau et tous les secrets des tangues, n'avaient contre
eux que le brouillard.
Le brouillard devait, suivant toute vraisemblance, les protéger
contre la poursuite de leurs ennemis.