masque qui laisse passer les rayons lumineux, mais qui les disperse,
qui les confond, qui les brouille comme ferait un épais
et triple voile de mousseline.
On y voit, la lumière est même la plupart du temps
vive et blessante pour l'oeil, répercutée qu'elle
est à l'infini par les molécules blanchâtres
de la brume. Mais cette sensation de la vue est vaine ; on perçoit
le vide brillant, le néant éclairé.
Les objets échappent ; toute forme accusée se noie
dans ce milieu mou et nuageux.
Nous avons dit le mot, du reste, et aucune comparaison ne peut
rendre plus précisément la réalité.
Collez votre oeil à la vitre dépolie et regardez
le grand jour au travers.
Vous serez ébloui sans rien voir.
La nuit, le peu de lumière qui descend du firmament suffit
toujours à guider les pas. Dans le brouillard, rien ne
guide, rien, et le vertige nage dans ce blanc duvet qui provoque
et lasse les paupières.
La nuit, le son se propage avec une grande netteté. Or,
quand la vue fait défaut, l'ouïe peut la remplacer
à la rigueur.
Dans le brouillard, le son s'égare, s'étouffe et
meurt.
C'est quelque chose d'inerte et de lourd, qui endort l'élasticité
de l'air ; c'est quelque chose de redoutable comme cette toile,
blanche aussi, qui s'appelle le suaire.
Ici, le courage même a la conscience de son impuissance.
Le sang se fige, la force cède. On est à la fois
submergé et fasciné.
Ceux qui ont échappé à cette terrible mort
racontent des choses étranges. Ils disent que la cloche
du Mont sonnant la détresse arrive parfois tout à
coup à l'oreille et fait tressaillir l'agonie. Elle vibre
plaintivement, et l'oreille étonnée croit l'entendre
sortir des profondeurs des tangues.
Puis la cloche se tait. Un silence pesant succède à
ses tristes tintements. Puis tout à coup le sable, devenu
sonore comme par enchantement, apporte le bruit de la mer qui
monte.
Oh ! comme elle va vite ! la mer, la mort ! Comme elle court,
invisible, là-bas ! De quel côté ? On ne sait.
Près ou loin ? On ne sait.
Mais elle court, elle glisse, elle arrive.
Elle est là cachée derrière l'inconnu, au
fond de ces espaces mystérieux et voilés. On l'entend
qui approche et qui gronde.