nous
sommes vos vassaux fidèles, les Le Priol, du village de
Saint-Jean.
Notre fille Simonnette que voilà est fiancée au
jeune gars Jeannin.
-Ce n'est pas le moment... commença Maurever.
-C'est étonnant, pensa frère Bruno, comme il y a
des gens qui sont verbeux !
-Je ne veux pas vous parler de fiançailles, Monseigneur,
reprit Simon ; mais le jeune Jeannin est venu à nous et
nous a fait part d'une bonne idée qu'il a pour le salut
de mademoiselle Reine, notre maîtresse, et nous l'amenons,
bien qu'il ne soit point votre vassal. Parle, mon fils Jeannin.
Jeannin était rouge comme une pomme d'api.
-Voilà, dit-il, en tournant son bonnet dans ses doigts
; on assure que c'est pour la demoiselle que le chevalier Méloir
fait tout ce tapage-là. Dans le brouillard, qui sait ce
qui peut arriver ? Moi, j'ai pensé : j'ai les cheveux comme
la demoiselle, et ma barbe n'est pas encore poussée. Je
pourrais bien mettre les habits de la demoiselle, et alors, en
cas de malheur, ils me prendraient pour elle...
-Et s'ils te tuaient, enfant ! dit Maurever.
-Oh ! ça pourrait arriver, répliqua Jeannin en souriant,
car ils seraient en colère de s'être trompés.
Mais ça ne fait rien.
-Je vous dis que c'est un vrai bijou, ce Peau-de-Mouton ! s'écria
Bruno enthousiasmé.
-La demoiselle serait sauvée, reprit Jeannin, voilà
le principal.
Reine de Maurever et le vieux Hue lui-même voulurent s'opposer
à ce déguisement, mais il y eut contrainte, parce
qu'Aubry fit un signe.
Toutes les filles, Simonnette en tête (elle avait pourtant
la larme à l'oeil), s'emparèrent de Reine, Jeannin
passa derrière le mur.
L'instant d'après, Reine revint vêtue de la peau
de mouton.
Jeannin, lui, avait le costume de la Fée des Grèves.
Et il était joli comme un coeur, au dire de toutes les
Gothon !
Il arrangea le voile de dentelles sur ses cheveux blonds, envoya
un baiser à Simonnette, qui riait et qui pleurait, et franchit
le premier l'enceinte pour entrer en grève.