Nul
ne saurait dire exactement le temps que la mer a mis à
couvrir ces contrées. La lutte était commencée
avant l'ère chrétienne. On sait que les bocages
druidiques s'étendaient à huit ou dix lieues en
avant de nos côtes.
Plus tard, la forêt de Scissy
planta ses derniers chênes sur les falaises de Chaussey.
En ce temps-là, le Couesnon était un grand fleuve
que Ptolémée et Ammien Marcellin confondaient en
vérité avec la Seine.
Ce Couesnon marneux, ce Couesnon grisâtre, cette rivière
folle qui s'égare dans les grèves comme une coquetière
ivre.
C'était un fleuve fier, suzerain de la Selune et suzerain
de la Sée, qui lui apportaient le tribut de leurs eaux.
Son embouchure était au-delà des montagnes de Chaussey,
qui forment maintenant un archipel.
Il passait alors à droite du Mont-Saint-Michel, longeant
les côtes actuelles de la Manche.
Ce fut bien longtemps après qu'il fit sa première
folie sautant de l'est à l'ouest, enlevant le Mont à
la Bretagne pour le donner à la Normandie.
«Li Couësnon a fait folie :
«Si est le mont en Normandie...»
Aimez-vous les légendes ? Penhor, fille de Bud, était
la femme d'Amel, le pasteur des troupeaux d'Annan. Annan était
seigneur et comte dans le Chezé au delà du mont
Tombelène.
Il avait son château au milieu de sept villages qui lui
payaient l'ost quand il mettait ses hommes d'armes en campagne.
L'un de ces villages avait nom Saint-Vinol ; Amel et Penhor y
faisaient leur demeure.
Penhor avait dix-huit ans ; Amel atteignait sa vingt-cinquième
année.
Amel était grand, souple et robuste. Un hiver que le loup
rayé de