Mais
le petit Jeannin n'était presque plus gourmand depuis qu'il
songeait à Simonnette.
Donc, c'était par une belle nuit de juin que notre Jeannin,
assis sous son pommier et rêvant tout éveillé,
avait aperçu la fée, la bonne fée.
Il s'amusait à bâtir toutes sortes de châteaux,
faisant de l'avenir un joyeux paradis où Simonnette avait,
bien entendu, la meilleure place, lorsqu'un pas léger effleura
les cailloux du chemin.
Jeannin vit une jeune fille. Il ne dormait pas, pour sûr
! La jeune fille passa devant la porte de Simon Le Priol et prit
le gâteau de froment que Fanchon la ménagère
n'oubliait jamais de déposer sur le seuil, quand il n'y
avait pas de bouillie fraîche.
Cela s'était passé la veille.
Jeannin avait eu peur, il s'était bien douté que
cette jeune fille était une fée des Grèves.
Et certes, pendant que le frisson lui courait par tout le corps,
pendant que ses petites dents claquaient dans sa bouche, il n'avait
point songé à poursuivre la fée.
Bien au contraire, il avait fermé les yeux et caché
sa tête entre ses deux mains.
Mais c'est qu'il ne savait pas encore, cette nuit-là, l'histoire
du chevalier breton dans l'embarras.
Il ne savait pas que ceux qui parvenaient à saisir la bonne
fée au corps pouvaient lui demander tout ce qu'ils voulaient.
Aujourd'hui, le petit Jeannin était plus savant que la
veille.
Et ce n'était plus tout à fait pour rêver
qu'il se cachait sous le vieux pommier à l'écorce
rugueuse.
Il guettait la fée.
Il tremblait d'avance à l'idée de ce qu'il allait
faire, c'est vrai, mais il était bien résolu.
Rien de tel que ces petits poltrons pour tenter l'impossible.
Jeannin attendait, le coeur gros et la respiration haletante.
Il s'était assuré que l'écuellée de
gruau était intacte sur le seuil.
La fée allait venir.