s'abaissa
par trois fois Guillaume Robert, procureur du cardinal-abbé,
mit ses pieds dans le sable de la grève pour recevoir le
prince, et les moines firent haie sur le roc.
En
ce moment, où chacun descendait de cheval, il y eut dans
l'escorte beaucoup de confusion; la cohue qui était à
la suite poussait en avant pour sortir de la grève. Le
sable foulé se couvrait d'eau, et c'est à peine
si les dames du deuil trouvèrent chacune un cavalier galant
pour préserver leurs pieds délicats.
Aubry
sentit une main légère qui touchait son épaule.
Il
se retourna. Reine de Maurever était auprès de lui.
—
Que Dieu vous bénisse, Aubry, dit la jeune fille dont la
voix était
triste et douce. Je sais que vous m'aimez.. .Ecoutez-moi. Avant
qu'il soit une heure, mon père va risquer sa vie pour remplir
son devoir.
—
Sa vie ! répéta Aubry; votre père !
Et
ses yeux couraient dans la foule pour chercher l'absent.
—
Ne cherchez pas, Aubry, reprit encore la jeune fille; vous ne
trouveriez point. Mais écoutez ceci : celui qui défendra
mon père sera mon chevalier.
—
Hommes d'armes ! en avant ! dit monsieur le sénéchal.
Reine sauta sur le sable et se confondit avec ses compagnes. Aubry
chancelait comme un homme ivre.
—
Allons, mon petit cousin, lui dit Méloir : il n'y a pas
de quoi tomber malade. N'est-ce pas que c'est bien la plus belle
?
Ce
grand Méloir avait sous sa moustache un sourire méchant.
—
Que veux-tu dire? balbutia Aubry.
—
Rien, rien, mon cousin.
—
Est-ce que ce serait ? ...
—
Mort diable ! tu as une épée. Quand nous serons
en terre ferme, il sera temps de causer de tout cela.
Aubry
le regarda en face.
—
Il y a deux moyens d'être heureux, reprit le porte-enseigne
d'un ton doctoral : se faire aimer et se faire craindre. Un brave
garçon n'a pas toujours le choix. Mais quand l'un des deux
moyens lui échappe, il garde