- Vous
allez voir le noyé? nous dit-il en s'arrêtant de
planter ses palets. Et il croise les bras, crache du côté
de Tombelaine, comme pour faire entendre que le noyé est
dans ces parages.
- Quel noyé?
- Oui ... les chercheurs de crabes ont trouvé un corps,
ce matin, par là, dans les rochers.
- Un homme ? Une femme ?
Bastard ne sait pas : est-ce qu'il a eu le goût d'y aller
voir ? Ce noyé nous amène
à parler avec lui de naufrages. Jamais l'idée ne
lui est venue en mer qu'il courait un péril de mort. Quand
il naviguait, lui et les autres marins appelaient les tempêtes
la marée de Paradis. Après trente jours de pêche
sans repos, si le temps était trop mauvais, les hommes
pouvaient au moins dormir, se laver, et se raccommoder. Il avait
vu, bien des fois, la mer haute comme le rempart et qui n'était
plus qu'une écume. Jamais il n'avait pensé mourir.
Dans ces moments