prie
chaque soir pour que monseigneur le duc se repente et non pas
pour qu'il meure, mais enfin ce sont là des choses que
mes prières ne changeront point.
Monsieur Gilles a dit : «dans quarante jours» ! je
l'ai entendu ; sa voix mourante sonne encore à mon oreille.
Aujourd'hui, deux semaines sont écoulées ; nous
n'avons plus que vingt-cinq jours de peine. Nous parlions ainsi...
Eh bien ! Aubry, mon espoir s'en va !
-Ne dites pas cela. Reine, où vous me ferez devenir fou
dans cette cage maudite !
-Hélas ! continua mademoiselle de Maurever : un vieillard
et une jeune fille pour combattre tant de soldats ! Je ne vous
ai pas tout appris. Si Vincent Gueffès ne nous vend pas,
ils sauront se passer de lui. Avez-vous entendu parler, Aubry,
de ces lévriers qui chassent les naufragés sur les
grèves d'Audierne et de Douarnenez, autour des rochers
de Penmarch ? Méloir attend douze de ces lévriers.
-Le misérable ! s'écria Aubry.
-Demain, en traversant la grève pour porter le repas de
mon père, acheva Reine, je serai chassée par la
meute de Rieux comme une bête fauve.
La main d'Aubry se tendit jusqu'au barreau qu'il secoua avec furie.
Le barreau, scellé dans le roc, ne remua même pas.
-Il faudra bien qu'il cède, râla le pauvre porte-bannière,
emporté par un accès de délire ; je l'arracherai
! oh ! je l'arracherai ! et si je ne peux pas, j'userai le roc
avec mes ongles. Reine, je mourrai enragé dans ce trou,
maintenant ! et si le vent m'apporte cette nuit les cris de cette
meute infernale...
Il n'acheva pas. Un gémissement sortit de sa poitrine.
Sa main ensanglantée lâcha du même coup le
barreau et la saillie de pierre. Reine l'entendit tomber comme
une masse au fond du cachot.
-Aubry ! dit la jeune fille effrayée. Point de réponse.
-Aubry ! murmura-t-elle encore. Elle n'osait élever la
voix, à cause de l'archer qui veillait sur la plate-forme.